12 juin 2005
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22:00
Un beau dimanche, donc. Et un trouble aussi
Sans faire rabat-joie : avec Florence, ne pas baisser la garde pour un journalisme debout.
Florence et Hussein libérés. Comment ne pas en être heureux ? Comment ne pas célébrer le retour en vie, saine et sauve, dun être doublé dun symbole avec lesquels tout un pays et même au-delà sest rassemblé et en partie identifié ? Tout cela se comprend. Mais avec un peu de recul sur la forme de lévénement, force est de constater, une fois de plus, que le spectacle sest emballé et avec lui, la machine médiatique dans ce quelle a dinfernal. Cétait à craindre, comme une malédiction annoncée d'ailleurs énoncée par Florence elle-même.
Sur ce blog, ça na pas tardé : des tirailleurs embusqués m'ont déjà pris de vitesse [voir les commentaires] sur ce dérèglement qui, de nouveau, a saisi le système des médias. Cest quen peu de temps, nous aurons subi des orages médiatiques ravageurs quoi quil en soit des causes soutenues : tsunami, papes, Airbus-380 Sans oublier le référendum. Ni, bien sûr, la libération de Chesnot-Malbrunot dont jai plusieurs fois pointé les limites de la décence journalistique, en particulier le 24 décembre, [OTAGES. Du journalisme autoglorifié, à la « Star Academy » de la communication].
Car trop cest trop, une fois de plus. Même si Florence ny est pour rien, sa libération a été littéralement sanctifiée et célébrée en direct, en continu, en boucle et en auto-célébration frisant la complaisance politique, journalistique et même corporatiste.
Sagissant dun dénouement heureux qui, du même coup, clôt un événement, des records dinflation ne sont toutefois pas à craindre. Déjà le lendemain, lundi, lordre des choses tendant à la normale avec des journaux qui avaient un peu recouvré la vue et le sens de la hiérarchie de la marche du monde.
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Ce faisant, nous avons eu de la chance : Florence nous aura épargné louverture des JT avec la déification de lA-380 à la grand-messe aéronautique du Bourget heureusement, les airbusolâtres se seront consolés avec Drucker sur France 2 et son émission si pro-européenne.
Faudrait-il sy faire ? Cest-à-dire se résigner aux dérèglements médiatique, ou bien, comme pour ceux du climat, considérer quil est toujours temps dagir pour éviter les catastrophes dévastatrices Il est vrai que celle-ci ne provoque pas mort dhomme. Apparemment. Sauf quelle sinsère entièrement dans un tout, un ensemble systémique dans lequel un élément se trouve à la fois cause et conséquence. Ainsi en est-il de la guerre, comme celle dIrak, résultante dinnombrables causes et conséquence de drames tout aussi nombreux et déplorables. Cest ce que décrit la théorie du chaos.
Ainsi la prise en otage de Florence et tant dautres, bien sûr nest-elle pas un accident. Entre, dune part, la chaîne infernale qui a conduit à la guerre et, dautre part, les chaînes du spectacle du monde, se trouve plus que jamais le maillon médiatique. Un maillon faible, sans doute, puisque tellement tiraillé de toutes parts : inter-média-ire. Et à ce titre, ses représentants, les journalistes apparaissent comme des proies idéales aux yeux des prédateurs modernes, profiteurs patentés des grands dérèglements de la sphère mondialisée.
Dans le champ de la Communication à tout va, acteur ou victime, le journaliste est lotage parfait. Au point den être, selon les moments et les rapports de forces, sanctifié de toutes parts transpercé de part en part, traversé par ces courants contradictoires du monde affolé, chargé de ses péchés enfin, puisquil peut aussi, à loccasion, servir de bouc émissaire.
Javoue craindre un peu en écrivant ces lignes iconoclastes. Car la pression est forte, lemballement sans recul, la condamnation à laffût. Mais je ne crains rien venant de Florence. Pas tant du fait quelle fut une de mes étudiantes au CFJ (Centre de formation des journalistes) ce serait bien insuffisant dans ce débat que pour ce quelle écrivit par la suite [et déjà reproduit sur ce blog], dont jextrais ceci : « [ ] L'enjeu pour la presse se situe ailleurs: comment comprendre, pour pouvoir le dépasser, ce dispositif qui crée le monde de la représentation auquel nous sommes tous devenus extérieurs ? [ ] Mais résister à la virtualisation ne consiste pas seulement à se «positionner» contre elle. Le journalisme doit opérer une révolution en son sein, comme celle qui a agité il y a quelques décennies le monde des historiens. [ ] Aujourdhui, une rupture de ce type est nécessaire pour résister à la domination écrasante du monde spectaculaire de la communication. »
Cest cela, en particulier, qui se trouve « compris » dans le sourire de Florence et aussi dans son rire mutin et distancié celui du recul sur soi et de lhumour qui relativise lambition humaine. Sans doute est-ce cela aussi qui a été perçu par le « peuple de France », dans son identification à elle certes un peu iconique : ce besoin de croire, toujours, et ce désir dimages qui revenait à lui dire : « Tu es des nôtres ».
Cest en quoi Florence Aubenas ne saurait être médiatiquement correcte. En quoi, bien vivante et libre, elle va rester précieuse.
→ Afin de regrouper les commentaires, merci de "poster" les vôtres sur "C'est pour dire".