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18 février 2007 7 18 /02 /février /2007 17:26
Vincent Courtois Quartet à Vitrolles
Le cou tordu aux évidences



À chaque nouveau concert la même question: qu’est-ce que le jazz ? Et la musique ? Et l’art ? Et la vie pendant qu’on y est… Oui. Hier, à Vitrolles, entre Aix et Marseille, ça moulinait sec au Moulin à Jazz, normal. Des années et des années de musique sans concession, même – et surtout en mégrétude. Bref. Hier donc Vincent Courtois Quartet. Le jazz dans sa réinvention permanente, le cou tordu aux évidences, au râbaché, à la musaque survendue en tubes, dentifrice à tympans.

En se relevant de sa chaise, Jérémy Soudan, le jeune artiste qui créé les affiches du festival Charlie Free [6, 7 et 8 juillet] avait le regard littéralement allumé : «Incroyable ce que ça m’a déclenché dans la tête ! » Interconnexion des systèmes vibratoires. Ça se produit partout où il y a de l’invention, de l’imaginaire en cavale. Mais partout ce n’est justement pas partout. D’où la réputation – fausse – du jazz musique élitiste. Exigeante seulement. Pas de quartier pour la démagogie. Un Sarko du jazz, non, pas imaginable. D’ailleurs aucune musique ne peut mentir, fût-elle même minaudante, car ça s’entend alors, sans détour. Ainsi, me dit Robert, hier à la fin du concert – Robert est un pilier de l’assoc’ Charlie – « Au début, j’ai trouvé ça bizarre et puis ça m’a plu ». L’autre fois, au concert de Sylvain Kassap, c’est Évelyne, une autre membre, qui me disait « C’est spécial, mais j’ai bien aimé… ». Et ben oui les amis, c’est justement ça « la culture », pas du tout un gros mot !,  mais une manière de rompre avec les habitudes, de refuser les ornières, d’oser l’encanaillement de l’inouï. Ce qu’il y a de formidable avec internet, c’est qu’au lieu de tourner autour du pot, de recourir à des analogies vaines ou pompeuses (servant surtout à ramener la « science » de l’auteur), on peut livrer un échantillon (2 mn 20), exemple  en cliquant ici. [Eh ben  non ! ça ne marche justement pas ! Pas moyen de mettre sons et images en ligne ! Comme disait Alexandre Vialatte, pris dans un embouteillage, on n'arrête pas le progrès, il s'arrête tout seul…]

Un moment que j’aime beaucoup aussi, c’est l’avant concert. La « balance » qu’ils disent. Par delà les impératifs techniques, on y apprend beaucoup sur les êtres, rien qu’à les observer. Ça vaut pour tout un chacun en position d’épreuve. Un concert en est une sacrée. Même les plus tannés par les âges n’échappent pas au stress – qui s’extériorise plus ou moins, c’est selon. Il y en a qui s’économisent, qui se gardent pour l’instant magique. D’autres qui se lancent d’emblée à fond comme pour mille paires d’oreilles. A un moment, samedi, pour les réglages, Vincent Courtois a joué trois Suites de Bach. [J'aurais voulu vous en mettre un extrait…]

Trente neuf ans dont tout juste vingt de jazz. Avant, le conservatoire à Aubervilliers, Bach et le reste – d’où le projet d’enregistrer les Suites. Le violoncelle, son unique amour instrumental. Et un déclic le jour où il y a dix ans, en studio à Baden-Baden, il enregistre en compagnie du pianiste Joachim Kühn. Faut dire qu’il s’était déjà frotté à des gens plus que bien élevés, des Levallet, Solal, Petrucciani, Holland. Son orientation actuelle, sa voie propre, il la trouve cette fois-là donc et la concrétisera avec ce quartet après une semaine de création au Mali, quelques concerts en Europe et un disque avec les mêmes :
François Merville, pour la rythmique assurée certes, et matinée de sonorités foisonnantes ;
Marc Baron, saxo alto, le jeunot de la bande, et un sacré bec !
Jeanne Added, violoncelle et voix : c’est elle qui ouvre le bal a capella, tendue comme une corde pure ;
– et cinquième élément, Gilles Olivesi à la technique, pour la quintessence sonore.

« What do you mean by silence ? » est le thème retenu. C’est sans doute celui de tout musicien depuis la nuit des temps, et doublement depuis Miles Davis [In a Silent Way] et le rappel de John Cage (Silence, éd. Denoël) Qu’entendez-vous par silence ? Avouons que la traduction en français est autrement plus riche d’ambiguïté. Que l’entendement soit élevé au rang de la compréhension… Comprendre avec ses oreilles. Et avec ses pieds, pour peu qu’on danse… Et ne rien comprendre non plus s’il s’agit de se laisser aller aux flux vibratoires, comme ceux de la vie.

Vincent Courtois dit écouter peu de jazz mais plus de classique et de la pop – « surtout de la pop ». « J’écoute peu de jazz, sans doute pour me préserver des influences. Il ne faut surtout pas que le jazz devienne une musique classique, une musique de répertoire ! »



>>> Prochain rendez-vous au Moulin à Jazz, samedi 17 mars, 21 h à Vitrolles. Alban Darche Trio (saxophone, contrebasse, batterie et Geoffroy Tamisier Trio (trompette, guitare, contrebasse). Réservation : 04 42 79 63 60
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