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10 juillet 2007 2 10 /07 /juillet /2007 20:25
Charlie Jazz Festival, Vitrolles.
Arnotto ou la greffe cœurs-poumons


Soit deux accordéonistes de haut vol. Sur une scène de jazz, celle du Charlie Festival de Vitrolles (Bouches-du-Rhône), en son parc de Fontblanche, une scène enchâssée dans un écrin de platanes. C’était dimanche soir [8 juillet]. À gauche, Otto Lechner, Autrichien de Vienne, la quarantaine, crâne dégarni, lunettes noires, balancements d’aveugle ; à droite Arnaud Méthivier, 36 ans, poil de carotte, regard envolé dans les notes. Musicalement mariés il y a sept ans, soudés à la scène par leurs prénoms sous le patronyme d’Arnotto. Couple de musiciens exceptionnels, habitant la maison Jazz, ou Contemporain, ou simplement Musique.




© Photos Gérard Ponthieu

Quatre-vingt minutes non stop, pas un mot, pas un signe
ni le moindre clin d’œil – et pour cause –, rien sur papier, tout en fusion musicale et en impro. Le public médusé. Écoute totale, à couper au couteau. Ils sentent ça, nos pianistes à bretelles. S’en nourrissent, s’en abreuvent, s’en délectent et lancent à la volée leurs ondes sublimes. L’accordéon magnifié, piaillant et bourdonnant, grand orgue de Notre-Dame. Et les platanes aux anges, piliers de cathédrale céleste. Accordéon basse ? Non, juste le truc du micro collé près des lamelles vibrantes. Et sous le talon droit d’Arnaud, pour la rythmique, une pédale qui frappe sur un « cajon » fait main, une boîte en bois qui sert aussi de siège. Ça pulse comme un cœur en chamade. « Parce que l’accordéon, c’est pas percussif, c’est du vent… ». Un souffle, un poumon. Plutôt deux poumons, deux cœurs. Et la greffe avec le public.


Ce soir-là, réussite totale de l’opération, pas le moindre rejet. D’ailleurs ce n’est pas ce qui guette ces deux comparses. La distance Vienne-Orléans prévient tout excès de monogamie, et chacun mène sa vie d’artiste – musique de films, sideman d’orchestres ; Arnaud accompagne parfois Francis Cabrel, Et Otto vit sa vie autrichienne. « On ne devrait faire qu’un seul concert par an, commente Arnaud Méthivier. Pour la spontanéité, la re-découverte, la re-rencontre, le vrai rendez-vous ». D’ailleurs, des concerts ils n’en donnent pas beaucoup – mais le succès les guette. La soirée de Vitrolles, ils la marqueront d’une pierre blanche. Eux deux plus quelques centaines de veinards.

>>> Leur disque aussi est remarquable : « Arnottodrom », 14 morceaux pour accordéon et deux joueurs. www.nanomusic.fr

PS : Par contraste, le « grand concert » de deuxième partie a pu paraître presque banal : avec sa vingtaine de musiciens, le Vienna Art Orchestra ne m’a surpris en rien. Trop propre pour être honnête. Enfin, trop honnête pour être un peu canaille – ce minimum qu’exige le jazz, avec ses pas de côté, sa note bleue, ses impros, ses prises de risque, au bord de précipices inouïs… Le nickel-chrome-cuivré, ça plaît bien à d’aucuns et tous les goûts sont permis. Comme de diriger  sa brigade en boutons de manchette.
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8 juillet 2007 7 08 /07 /juillet /2007 16:49
Jazz à Vitrolles. Les quatre chapeaux de l’Art Ensemble of Chicago

De Chicago ils sont, certes. Ensemble surtout. L’art ensemble de Chicago, j’insiste : l’art de jouer ensemble. Ça dure depuis 41 ans, moins l’œuvre maléfique du temps. Trois sont morts : Malachi Favors (contrebasse), Joseph Jarman (anches et flûtes), Lester Bowie (trompettiste). Du quintette fondé à Paris un an après Mai 68, il reste Roscoe Mitchell (anches et flûtes), 67 ans, et Don Moye (batterie, percussions), 61 ans. Les voilà donc, ce samedi 7 juillet, qui touchent terre à Vitrolles, haut-lieu du jazz en Provence, avec son dixième « Festival Charlie Free ». Ce sera leur seul concert européen de l’année. Les réunir, même en quartette aujourd’hui, relève du sport jazzistique de compétition. Leur âge, c’est celui où l’on évite la dispersion. Charlie Free, ils ont bien voulu d’un coup d'aile et retour. Donc les voilà, nos quatre Dalton d’outre-Atlantique, en un si improbable attelage enchapeauté.



Par ordre de gabarit : Le plus grand et enjoué, « Famoudou » Don Moye, toque musulmane colorée, oreille gauche piquée d’une pointe de flèche en ivoire d’éléphant, maillot rouge frappé de l’œil d’Osiris. Traînant la patte et un peu courbé par les ans. Suit Harisson Bankhad, un quintal et  quelques surmonté d’un p’tit galurin de paille d’Italie, les abattis d’un Mingus XXXL – c’est le contrebassiste. Sous son Borsalino, Rasul Siddik, baraqué aussi, lunettes, barbichette poivrée, un air de Lester Bowie, moins la blouse d’apothicaire – d’ailleurs c’est son successeur à la trompette. Enfin Roscoe Mitchell, chapeau modèle « plantations » du Mississipi, mais qu’on croirait un berger chenu descendu des hauts-plateaux d’Éthiopie, sec comme un marathonien, tout dans le souffle et l’endurance : alto, soprano et flûte.

Certes on peut entendre toute musique sans en bien connaître l’histoire. Mais pas vraiment non plus. Raconter l’aventure de l’AEC nous mènerait trop loin. D’autant qu’il faudrait en passer par un épisode révolutionnaire : la création de l’AACM, Association for the Advancement of Creative Musicians – tout un programme. Et remonter plus avant encore, aux sources du Free-jazz, mouvement artistique et politique chevillé à l’Amérique étatsunienne et à ses douloureuses convulsions : traite des Noirs et esclavage, mouvement des droits civiques, guerre du Vietnam – qui croirait que l’art pût ignorer l’ « air du temps », surtout s’il est devenu puant et irrespirable ?

L’Art Ensemble of Chicago, émanation et partie prenante de l’AACM, groupement de musiciens contestataires, Noirs, constitués dès 1965 en coopérative, bousculant l’establishment du business musical, chamboulant les canons jazzistiques et donc politiques. Oui « donc », puisque l’art est politique, surtout l’apolitique.

Simple rappel ici pour ne pas écouter idiot un manifeste musical, comme on le ferait d’une musaque d’ascenseur. Et pour revenir à nos quatre lascars, entamant leur concert de Vitrolles par une doucette ballade, prélude à une tempête sonore éclaircissant les travées. On n’est pas là pour se faire amadouer. Pas encore cellophanée, la Great Black Music ! On en aura plein nos esgourdes toujours menacées d’ensablement marchand. Pas la violence gratuite du discours teigneux ou revanchard, non, le verbe haut qui dit le chaos du monde, d’ici-bas, guette l’harmonie des humains comme l’éternelle utopie. La voûte des platanes de Fontblanche comme une galaxie spiralée à deux heures-lumière de là. Deux ou trois cents voyageurs avaient pris la navette céleste. Il y eut un bis et encore un rappel pour étirer le temps au possible. La nuit était en sursis, raison de plus pour l’achever au bar, rejoints par nos quatre gaillards, pas si pressés de l’escale hôtelière, prélude au retour vers Chicago. C’est qu’ils étaient heureux, sûr. Et nous donc !

>>> Photos Gérard Ponthieu
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1 juillet 2007 7 01 /07 /juillet /2007 16:48
Keith Jarrett, entre génie de l’impro et Grand Horloger


Mon premier disque de Keith Jarrett, ce ne fut pas le Köln Concert de 1975 comme presque tout le monde. Non, c’était Ruta and Daitya, un 33 tours, en duo avec Jack DeJohnette aux percus et lui aux piano, orgue et flûte. En 73. Hier… Depuis, on ne s’est plus quittés. Une histoire d’amour qui m’aura coûté une bonne cinquantaine de disques, quelques bouquins et des articles, deux concerts à Antibes-Juan-les-Pins – et d’autres moments fameux. Et puis l’autre soir [en mai 2005], ce film sur Arte intitulé « L’Art de l’improvisation », documentaire français de Mike Dibb.

Le bougre de pianiste venait d’avoir 60 balais – le 8 mai. Il a le poil ras et gris souris, un corps de moine bouddhiste, sa tête bien à lui d’intello normal qui serait pianiste et un chouia austère. Plus trop rien à voir avec la dégaine d’Afro sous la tignasse crépue, celle de ses débuts avec Charles Lloyd, lunettes à la John Lennon, pattes d’éph’, années 60.

L’originalité du film, et donc son intérêt, réside dans la stricte tenue de l’angle autour de l’improvisation. Qu’est-ce qui fait que, dans l’histoire d’un type, on devienne un pareil musicien, un génie de l’impro ? Dans génie, il y a gène – cela peut être… gênant, nous éluderons la question. Le cinéaste a fait de même, se limitant à situer la famille : lui, aîné des cinq fils à maman (quid du papa?), musicienne de milieu modeste, n’en jouant pas moins batterie, cor d’harmonie, piano, trompette… Le premier concert à huit ans, avec du Bach, Mozart, Beethoven, Schubert – et du Keith Jarrett, non mais !

Venons-en au fait : « La musique comme résultat d’un processus », il le dit, au début du film comme pour éviter aussi le coup du génie. Le génie du forgeron, oui ! A dormir sous son premier piano, cadeau de maman, d’ailleurs payé avec les premiers concerts du prodige. Il a bossé, le Keith, à n’en pas douter. Comme un body-builder, il raconte comment, petit, il gymnastiquait ses doigts pour les faire grandir. Scott, un frangin, se souvient qu’il sautillait d’un bout à l’autre de la banquette pour atteindre les deux bouts du clavier. L’image alors nous le montre une fois grandi, tel un aigle dans l’envol, embrassant les 88 touches du piano.

Donc, le voilà parti pour le classique, Bach et les Variations Goldberg, Händel, Mozart. Il compose un adagio pour hautbois. Ses passeurs vers le jazz, il le rappelle, seront André Prévin – musicien, compositeur, chef d’orchestre américain d’origine allemande, malgré son nom français – puis Art Tatum, Oscar Peterson, Ahmad Jamal. Des improvisateurs.



Et, justement, qu’est-ce qu’improviser ?


Pour ma part, c’est « the question », celle qui touche toute la création artistique. Qui en serait même l’essence… Je ne saurais jouer au trop savant sur La question. Des maîtres s’y sont arrachés les tiffes. Permettez, en deux mots.

Avant le recours à l’écriture, certes la musique se mémorisait en partie. Pour le reste, elle filait « à l’anglaise », incontrôlée, im-prévue. Oyez le baroque. Et, même écrit, oyez Bach et ses variations. Le XIXe a policé tout ça avec le tout noté, notifié : l’ordre de la raison structurée. Mais les anarchistes ont survécu, toujours, increvables parce que nécessaires. L’art est à ce prix, celui de la non répétition, de l’invention, de la création en un mot. Le style, qui est l’homme, comme lui est in-fini – jamais fini, toujours à refaire –, immense, universel, ou rien. Sept notes, sept couleurs et l’art sans limites !

Keith Jarrett, pour les pratiquer, connaît les deux mondes du même univers musical, le classique et le jazz. Celui-ci le comble de bonheurs vibratoires quand l’autre… c’est autre chose sans doute, moins orgastique. Les mots en disent peu, mais les gestes, la gestuelle, le corps entier du musicien montre bien que sa relation à la musique est sexuelle – comment ne le serait-elle pas ? Jusqu’à ses gémissements irrépressibles, s’il fallait ajouter des preuves…

L’improvisation, dit-il dans le film, c’est « un voyage à l’intérieur de la musique ». Mais ça ne part pas de la musique : « Les musiciens aiment à penser que la musique naît de la musique. C’est aussi absurde que de dire qu’un bébé naît d’un bébé. » Quoi qu’on fasse, qu’on exprime, ça part toujours de soi, de cette somme d’acquis, en plus du paquetage original. Il précise : « C’est un engagement total, à cent pour cent ». Et pourtant : « Les gens croient qu’improviser relie un texte à un autre texte, préexistant. Pour moi, il s’agit de relier zéro à zéro, de me vider totalement pour découvrir au fur et à mesure la musique qui me vient spontanément. »

Keith Jarrett ou le degré zéro de l’écriture musicale, ce qui surgit de l’en deçà – ou au-delà – de la convention stylistique. Ses comparses viennent à la rescousse. Ils racontent qu’ils ne connaissent pas l’ordre de ce qu’ils vont jouer. Parfois, ils préparent des morceaux – on n’ose pas parler de répétition – et ils ne les joueront pas. Il faut les avoir vus/entendus aussi « embrayer » sur un thème à peine jeté : « Ça suit tout seul, raconte Gary Peacock, le bassiste des vingt dernières années. C’est comme du pilotage automatique. C’est pas nous. Comment on fait?… »

L’image du pilotage automatique n’est pas des plus poétiques. Mais elle va loin. Elle introduit en musique ce que par ailleurs, en science, on appelle la cybernétique. Littéralement la science du gouvernail, selon le grec kubernêsis. Un domaine qui englobe désormais la plupart des disciplines scientifiques, des mathématiques à la biologie, de l’informatique à la communication, de la psychologie à la création artistique, etc. La technique s’en est aussi emparée pour trouver des applications plus ou moins triviales autour des processus d’autorégulation ; la robotique en relève, ainsi que des systèmes élaborés comme, précisément, les pilotages automatiques des avions et des bateaux.

L’expression musicale se trouve concernée par la cybernétique en ce sens où elle permet une certaine compréhension des interactions qui « gouvernent » les musiciens d’un ensemble. A fortiori s’il s’agit d’improvisation, condition dans laquelle la perception croisée des feedbacks interfèrent dans la création. Le feedback – que l’on peut traduire par « nourrir en retour » – est cet élément d’ « input » qui va intégrer du passé dans le présent-futur et lui faire prendre une direction nouvelle.

Autre exemple en littérature avec ce mot de Jules Renard : « L'inspiration, ce n'est peut-être que la joie d'écrire : elle ne la précède pas.» Penser ne suffit pas, encore faut-il frotter l'idée aux mots, à leur musique qui, à son tour, va commander au contenu, le gouverner – du moins en partie. Et l’improvisation en littérature ? Elle peut sourdre en poésie, ou être érigée en principe comme, chez les surréalistes, avec l’écriture automatique – et dans les limites que l’on sait, parfois avec force exaltations mentales plus ou moins parfumées de mysticisme ou stimulées par des drogues diverses. Comme en musique, bien entendu.

Dans l’un et l’autre domaine on rencontre aussi les fameuses grilles. Par exemple, celles de l’Oulipo chez les littérateurs, avec Raymond Queneau et François Le Lionnais, mathématicien. On se choisit une contrainte encadrant un espace de liberté que l’on va explorer à fond – une forme de transgression – le « passé les bornes, il n’y a plus de limites » d’Alphonse Allais. La rose de Dali, qui s’épanouit en prison. En peinture, c’est le cadre, la toile ou, du moins la surface qui structurent le possible, et voguent couleurs et délires in-formes ! Ou les masses du sculpteur qui éclatent en objets célestes (Arp, Hartung, tant d’autres). Restent la danse, le cinéma – la loi de la pesanteur et celle du temps…

Dans le jazz, j’y reviens, la grille est celle à laquelle on s’accroche pour mieux s’envoler, puis redescendre ensemble, après les folies de l’impro. Ce que balaie d’un revers de phrase un Pierre Boulez qui parle d’« acte de mémoire manipulé » : en général, selon lui, les improvisateurs « se rappellent ce qu’ils ont déjà joué, le manipulent, le transforment ». Certes, souligne Keith Jarrett, on ne part pas de rien, son zéro n’étant qu’un point de départ. « J’apprends ce que je ne savais pas », dit-il encore dans le film où il évoque aussi ses années de jeunesse à mémoriser des chansons. Elles ressortent, souvent en autant de standards. Trois notes comme un coup de démarreur et c’est l’inconnu, l’inouï – quoi qu’en dise Boulez : aucun déjà entendu, pas un doublon au sens strict, zéro cliché. Miles Davis aussi avait ce génie-là d’ignorer les ornières.

Miles et Keith, ils jouèrent ensemble, ah oui ! « J’ai cédé à Miles » raconte le pianiste. On va les retrouver au grand festival rock de l’île de Wight (1970). Le rock plus l’électricité. Keith s’amuse à l’orgue, Chick Corea au piano. Miles, « le seul à qui je pouvais céder ». Et il ajoute, étonnante formule : « Je l’ai entendu être heureux ».

Autre rencontre déterminante : la pensée et la musique de Gurdjieff. Là, on entre plutôt dans la zone d’ombre du bonhomme – enfin des deux. Russe blanc né en Arménie, immigré en France où il est mort en 1949, Gurdjieff peut être considéré comme un gourou de l’ésotérisme ; à ce titre il a entraîné dans son sillage des adeptes venant chercher dans son « enseignement » une sorte de clé unique ouvrant le mystère du Grand Tout. En quoi son mouvement – au sens strict, totalitaire – relève de la secte, excluant toute pensée critique. Internet regorge de liens sur Gurdjieff, ses émules et continuateurs foisonnant dans le secteur dit du «développement personnel». Peter Brook lui a aussi consacré un film aussi intéressant qu’étrange, certes, « Rencontre avec des hommes remarquables » (1978).

C’est deux ans après que sort chez ECM le disque de Keith Jarrett, « Gurdjieff, sacred hymns ». Rien à voir avec le jazz, ni avec l’improvisation ; il s’agit de morceaux composés par le « maître » et transcrits par Thomas de Hartmann. Musique austère, « intérieure », à la richesse réelle et relative à la fois, surtout liée à l’interprétation. En France, un autre pianiste de talent, Alain Kremski – que j’ai d’ailleurs entendu jouer un soir chez lui, à Paris, il y a… une vingtaine d’années – s’est aussi voué à la musique de Gurdjieff, qu’il a enregistrée sur pas moins d’une dizaine de disques (« Les Chercheurs de vérité », « Rituel d’un ordre soufi », etc.)

Tout cela pour expliquer – éclairer en partie, disons – ce qui, chez Keith Jarrett, peut relever de l’austérité du moine tibétain.  Dans ses interviews, il fait quelquefois référence à Gurdjieff. Ainsi dans L’Express (09/05/2005), parlant de l’improvisation, il déclare: “Gurdjieff disait que l'homme est gouverné par la loi du hasard et de l'accident, mais qu'il peut renverser cette réalité en s'observant. Ces accidents musicaux sont le résultat de mon parcours philosophique.”

Et alors ? Rien de plus ! Juste pour relever que parmi les plus fameux des musiciens de jazz on trouve aussi de grands mystiques. A commencer par John Coltrane, bien sûr [voir le tout récent numéro de juillet que Jazzman lui consacre] ; à suivre avec Chick Corea [Scientologiste de première bourre] ; en passant par  « notre » Jarrett donc – et sans parler de la cohorte des musiciens croyants, musulmans, kabbalistes et compagnie. Du moment qu’il nous offrent leurs talents… Qu’ils soient, Noirs, Blancs ou rouges à petits pois, comme disait en substance Miles Davis, pourvu qu’ils jouent de la musique… Il est vrai.

Le plus curieux, voire paradoxal, étant toutefois que ceux-là pratiquent la double et paradoxale injonction du « sois libre et créatif ! Et obéis aux forces supérieures ! ». Paradoxal ? Ou plutôt contradictoire, comme dans une dialectique proprement artistique. Créer et être créé… Comme expression d’une pulsion, l’art – et en particulier la musique et plus encore le jazz, par essence – relève aussi du mystère, comme la vie. En deux, trois ou quatre temps. En rupture rythmique tout aussi bien. Mais avec ou sans métronome, quoi qu’on fasse, comment éviter le Grand Horloger?
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12 juin 2007 2 12 /06 /juin /2007 22:47

Richard Galliano,
Art Ensemble of Chicago,
Vienna Art Orchestra


À Vitrolles (13), les 6, 7 & 8 juillet,
le Charlie Jazz Festival
fête ses 10 ans en beauté


Richard Galliano « Tangaria » Quintet, l’Art Ensemble

of Chicago et le Vienna Art Orchestra vont donc s’arrêter à Vitrolles, pour souffler les dix bougies du festival Charlie Jazz. Le concert de l’Art Ensemble sera même le seul de cet année en Europe. Excusez du peu !

Sans parler – et parlons-en ! – des concerts inédits qui émailleront les soirées sous les platanes du domaine de Fontblanche. Par exemple : le duo d’accordéons ArnOtto, le septet Manuchello, le LéoQuartet ou le sextet Rosa.

Les soirées commencent à l’apéritif, à l’heure des fanfares déjantées des Enjoliveurs ou de la Goutte au nez. Et c’est le Baluche de la Saugrenue qui fera résonner la dernière nuit de cette dixième édition.

Programme complet sur le site de Charlie Free Moulin à Jazz en cliquant sur l’image.

Parking gardé, restauration. 20 euros la soirée (15 euros, tarif réduit). Réservation au 04 42 79 63 60 ou par internet www. charliefree.com. Billet dans les Fnac et un peu partout.

[Cet article relève du vrai copinage. Pour le cas où ça vous aurait échappé…]

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18 février 2007 7 18 /02 /février /2007 17:26
Vincent Courtois Quartet à Vitrolles
Le cou tordu aux évidences



À chaque nouveau concert la même question: qu’est-ce que le jazz ? Et la musique ? Et l’art ? Et la vie pendant qu’on y est… Oui. Hier, à Vitrolles, entre Aix et Marseille, ça moulinait sec au Moulin à Jazz, normal. Des années et des années de musique sans concession, même – et surtout en mégrétude. Bref. Hier donc Vincent Courtois Quartet. Le jazz dans sa réinvention permanente, le cou tordu aux évidences, au râbaché, à la musaque survendue en tubes, dentifrice à tympans.

En se relevant de sa chaise, Jérémy Soudan, le jeune artiste qui créé les affiches du festival Charlie Free [6, 7 et 8 juillet] avait le regard littéralement allumé : «Incroyable ce que ça m’a déclenché dans la tête ! » Interconnexion des systèmes vibratoires. Ça se produit partout où il y a de l’invention, de l’imaginaire en cavale. Mais partout ce n’est justement pas partout. D’où la réputation – fausse – du jazz musique élitiste. Exigeante seulement. Pas de quartier pour la démagogie. Un Sarko du jazz, non, pas imaginable. D’ailleurs aucune musique ne peut mentir, fût-elle même minaudante, car ça s’entend alors, sans détour. Ainsi, me dit Robert, hier à la fin du concert – Robert est un pilier de l’assoc’ Charlie – « Au début, j’ai trouvé ça bizarre et puis ça m’a plu ». L’autre fois, au concert de Sylvain Kassap, c’est Évelyne, une autre membre, qui me disait « C’est spécial, mais j’ai bien aimé… ». Et ben oui les amis, c’est justement ça « la culture », pas du tout un gros mot !,  mais une manière de rompre avec les habitudes, de refuser les ornières, d’oser l’encanaillement de l’inouï. Ce qu’il y a de formidable avec internet, c’est qu’au lieu de tourner autour du pot, de recourir à des analogies vaines ou pompeuses (servant surtout à ramener la « science » de l’auteur), on peut livrer un échantillon (2 mn 20), exemple  en cliquant ici. [Eh ben  non ! ça ne marche justement pas ! Pas moyen de mettre sons et images en ligne ! Comme disait Alexandre Vialatte, pris dans un embouteillage, on n'arrête pas le progrès, il s'arrête tout seul…]

Un moment que j’aime beaucoup aussi, c’est l’avant concert. La « balance » qu’ils disent. Par delà les impératifs techniques, on y apprend beaucoup sur les êtres, rien qu’à les observer. Ça vaut pour tout un chacun en position d’épreuve. Un concert en est une sacrée. Même les plus tannés par les âges n’échappent pas au stress – qui s’extériorise plus ou moins, c’est selon. Il y en a qui s’économisent, qui se gardent pour l’instant magique. D’autres qui se lancent d’emblée à fond comme pour mille paires d’oreilles. A un moment, samedi, pour les réglages, Vincent Courtois a joué trois Suites de Bach. [J'aurais voulu vous en mettre un extrait…]

Trente neuf ans dont tout juste vingt de jazz. Avant, le conservatoire à Aubervilliers, Bach et le reste – d’où le projet d’enregistrer les Suites. Le violoncelle, son unique amour instrumental. Et un déclic le jour où il y a dix ans, en studio à Baden-Baden, il enregistre en compagnie du pianiste Joachim Kühn. Faut dire qu’il s’était déjà frotté à des gens plus que bien élevés, des Levallet, Solal, Petrucciani, Holland. Son orientation actuelle, sa voie propre, il la trouve cette fois-là donc et la concrétisera avec ce quartet après une semaine de création au Mali, quelques concerts en Europe et un disque avec les mêmes :
François Merville, pour la rythmique assurée certes, et matinée de sonorités foisonnantes ;
Marc Baron, saxo alto, le jeunot de la bande, et un sacré bec !
Jeanne Added, violoncelle et voix : c’est elle qui ouvre le bal a capella, tendue comme une corde pure ;
– et cinquième élément, Gilles Olivesi à la technique, pour la quintessence sonore.

« What do you mean by silence ? » est le thème retenu. C’est sans doute celui de tout musicien depuis la nuit des temps, et doublement depuis Miles Davis [In a Silent Way] et le rappel de John Cage (Silence, éd. Denoël) Qu’entendez-vous par silence ? Avouons que la traduction en français est autrement plus riche d’ambiguïté. Que l’entendement soit élevé au rang de la compréhension… Comprendre avec ses oreilles. Et avec ses pieds, pour peu qu’on danse… Et ne rien comprendre non plus s’il s’agit de se laisser aller aux flux vibratoires, comme ceux de la vie.

Vincent Courtois dit écouter peu de jazz mais plus de classique et de la pop – « surtout de la pop ». « J’écoute peu de jazz, sans doute pour me préserver des influences. Il ne faut surtout pas que le jazz devienne une musique classique, une musique de répertoire ! »



>>> Prochain rendez-vous au Moulin à Jazz, samedi 17 mars, 21 h à Vitrolles. Alban Darche Trio (saxophone, contrebasse, batterie et Geoffroy Tamisier Trio (trompette, guitare, contrebasse). Réservation : 04 42 79 63 60
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28 janvier 2007 7 28 /01 /janvier /2007 22:32
Le jazz échevelé et heureux
du quartet de Sylvain Kassap



Voyez ces deux-là comme ils tanguent ! Forcément, ils naviguent ensemble. Et nous embarquent. En route vers la sphère céleste. Musique !

Présentations : A tribord et au violoncelle-lumière, Didier Petit ; sur le gaillard d'avant, à la barre et aux clarinettes, Sylvain Kassap ; à sa gauche et ici fouettant grand-mère –     c'est pour son bien – et juste avant de l'enlacer, Hélène Labarrière ; à bâbord enfin et aux manettes d'accostage, le boscot et son attirail, Edward Perraud. En jazz, on appelle ça un quartet (ou quartette); et leur concert fut donné, au vrai sens, samedi soir (27/01/07) au Moulin à jazz à Vitrolles, Bouches-du-Rhône.


Un jazz de jazz, autrement dit indéfini, de passage, de transport. Cherchez pas l'étiquette, n'aurait pas de sens, pas d'objet ; tout juste bonne à brouiller la perception, embrouiller le propos. Heurts des mots contre les notes, leurs interférences, les radiations émises, renvoyées par le public aux musiciens, qui les perçoivent, puis les transforment encore. On appelle ça un concert, comme on dit naviguer de concert : aller ensemble – nulle part et partout, c'est selon sa cartographie, les courants, éléments, tempêtes. Sculpteurs de sons, de masse sonore, ciseleurs de copeaux. Ça cogne en douceur, ça effleure en volcan.

Voyez-oyez l'homme des fûts, sa batterie et tous les ustensiles amassés dans une valisette, et les affaires de toilette – le peigne en fer, le bol (à raser ?) tibétain, la baballe à frotter la grosse caisse qui en râle de jouissance. Un ciseleur disais-je aux allures de gamin – 35 ans quand même et l'avenir en océan, sourcé à un Paul Lovens, son maître, à un Gerry Hemingway et aux tablas indiens, c'est dire qu'on est loin des bûcherons binaires et primaires. Edward Perraud, un batteur harmonique et un joueur de silence, cette composante du son musical.

Oyez-voyez Hélène Labarrière et sa contrebasse qui gronde et mugît en pleine grâce – grâce du geste, du corps dansant, chaloupant avec toute l'embarcation jouante, elle en figure de proue, comme noyée, les yeux fermés, au loin, au tout près. Une basse ferme, gant de velours et main de fer pour l'attaque, solide.

Et à la trompette marine – sauf qu'elle n'a qu'une corde et lui, le violoncelle, quatre. Sans parler de ses cordes vocales : Didier Petit ajoute le chant à celui de l'instrument, plutôt rare en jazz, cet univers qui ne refuse jamais personne – pas même la cornemuse.

>>> Voir-entendre un extrait du concert du Moulin à Jazz, Vitrolles, 27 janvier 2007

Donc, un trio de cordes, de peaux et de bastringue duquel jaillit le souffle vif et boisé de l'homme aux clarinettes, la « piccola », la "normale" et surtout-surtout la basse dont Sylvain Kassap est l'un des virtuoses parmi les Michel Portal, Louis Sclavis et Laurent Dehors, et aussi John Surman, David Murray et Anthony Braxton. Sylvain, avec sa tignasse à la Angela Davis, version mâle et moldave, il capte parfois ses ancêtres lointains ; c'est alors la clarinette en si bémol qui parle, comme dans les fanfares ukrainiennes ou roumaines. Oui, lointaines ces réminiscences, histoire de ne pas se perdre dans le grand Tout du jazz, celui qu'il arpente avec ivresse et dans le don.

Un jazz exigeant avec lui-même, érudit et populaire comme sait l'être le jazz ainsi joué. Tous les quinze jours Vitrolles s'ouvre à ces possibles. L'association Charlie Free tient son vieux moulin (rénové) depuis maintenant dix ans. Le festival d'été va fêter ça en grand pompe et sous les platanes. On en reparlera. D'ici là, on a encore une demi-douzaine de chances de se rencontrer au Moulin. Par exemple le 10 février en compagnie du Stéphane Guillaume Quartet. Il est prudent de réserver : 04 42 79 63 60.

>>> Disque à signaler, reflet du concert, « Boîtes-Boat » par le quartet  Sylvain Kassap  (Évidence). Compositions du clarinettistes et un merveilleux "Children" emprunté à Albert Ayler.
> Photo © gp


Un pianiste considérable vient de mourir : Siegfried Kessler, retrouvé noyé à La Grande Motte (Hérault), non loin du voilier sur lequel il vivait depuis une vingtaine d’années. Il avait d’abord fait bande avec Didier Levallet (contrebasse) pour fonder le quartette Perception. Puis il enregistre avec d’autres grands du jazz  – entre autres avec Archie Shepp. Il explore aussi les répertoires de Britten, Chostakovitch, Prokofiev, puis tâte les univers de Xenakis, Berio et Kagel. Éclectique – et exigeant – jusqu’à la chanson, où on le retrouve notamment avec l’excellent Jacques Bertin.
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28 février 2006 2 28 /02 /février /2006 22:23
Mort de Romano Mussolini,
fils du Duce et pianiste de jazz


Romano Mussolini, joueur de jazz et peintre, fils du dictateur italien Benito Mussolini, est mort à Rome début février à l’âge de 78 ans.

On ne choisit pas ses parents – pas toujours, aurait objecté Françoise Dolto…. Toujours est-il que son père à lui, dans la vie, faisait dictateur. Prénom: Benito, mais il exigeait qu’on l’appelât le «Duce». D’ailleurs il avait inventé le fascisme.

Benito Mussolini a eu trois fils et deux filles. Romano ne l’a pas beaucoup connu.  Il se souvient de lui comme d’un père attentif qui aimait la musique et avait pleuré au mariage de sa fille aînée. La dernière fois qu’il l’a vu, il avait 17 ans, en avril 1945, onze jours avant que le Duce ne soit tué. Il a raconté ça en 2004 dans un livre intitulé «Mon père Il Duce».

Donc papa aimait la musique mais, plutôt à la mode de ses amis nazis, grands opéras bien sûr, surtout nationaux. Au point qu’il décréta le jazz comme musique bannie en Italie. Sans aller jusqu’à dissuader Romano de devenir pianiste… de jazz.

Après la guerre, il gagna sa vie en jouant dans un orchestre, sous un pseudonyme, dans le sud de l’Italie. Le succès aidant, reconnu comme l’un des meilleurs pianistes de jazz, il reprit son identité réelle et forma dans les années soixante l’orchestre «Romano Mussolini All Stars». Lors de tournées internationales, il accompagna ainsi Chet Baker, Dizzy Gillespie, Duke Ellington, Lionel Hampton, etc.

Une de ses trois filles, Alessandra, est députée européenne, dirige «Alliance nationale», petit parti d’extrême droite, et fait amie-amie avec l’impayable Berlusconi.

Romano avait été marié à Anna-Maria Scicolone, soeur de l’actrice Sophia Loren. [Fin de la  chronique jazzo-pipole.]
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18 février 2006 6 18 /02 /février /2006 22:36
Ray Baretto, un roi
entre congas et latin-jazz


Un roi des congas. Le percussionniste américain d’origine portoricaine Ray Baretto, vient de mourir à 76 ans. Il avait largement contribué à conforter la salsa et le latino dans la sphère du jazz be-bop.

Il a souvent joué en France, et notamment au festival Jazz in Marciac, quatre fois dont la dernière en 2004. Je me souviens de son concert de l’été 96 et de sa formidable pêche qui gagnait musiciens et public, emportés jusqu’à la frénésie.

Ray Barretto, c’était aussi ce visage aussi ouvert que communicatif, un rythme « dans la peau » et jusque dans les peaux qu’il battait avec passion et invention perpétuelle, avec un grand sens de la nuance.

Né à Brooklyn le 29 avril 1929 de parents portoricains, Ray Barretto a appris les rudiments des percussions au contact de musiciens noirs lorsqu’il était soldat en Allemagne, à la fin de la seconde guerre mondiale.

Sa notoriété grandissant, il s’est tourné vers ses origines et a plongé dans la musique latine. Ces dernières années, il se consacrait exclusivement au “latin-jazz”.
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3 décembre 2005 6 03 /12 /décembre /2005 21:49
JAZZ. La sono tueuse de musique
 
A peine la porte poussée, j’ai su : trop de bruit pour être honnête. La volée de décibels, voilà qui ne saurait tromper. Côté jazz, le Vauban, à Brest, c’est comme qui dirait le New Morning à Paname. On ne peut trouver meilleur équivalent dans l’esprit, la programmation – cocktail de musiques un peu «in», zestes de rock, hip, chansons hard, etc. –, et jusque dans la sono, hélas.

La sono foldingue, voilà bien l’ennemi de la musique ! Que des musiciens s’y laissent prendre ne laisse de m’atterrer, et de m’inquiéter. Surtout s’agissant de jazz, qui appelle à la nuance, rien que la nuance, jusque dans les emportements les plus sauvages. Ce qui suppose des  niveaux acoustiques subtils, étagés, voire étalonnés. Heureusement, c'est le plus souvent le cas dans le jazz, où règnent des orfèvres du tympan.

Hier soir donc, à Brest – il pleuvait sur Brest, et pas qu’un peu, sans parler du vent : une tempête comac –, je me suis dit, ce Tony Hymas qui m’a tant ému avec son « Oyaté » « racontant » l’épopée des Amérindiens… ou encore avec ce  « Eight day journal » partagé avec le saxophoniste Sam Rivers…, cet artiste-là ne peut décevoir. Ben…

Je vise la sono démente et, en réalité, il s’agit plus précisément de l’immixtion invasive de la technique dans le champ artistique. Dès lors qu’elle – la technique – a pris le pouvoir, exit l’artiste ! Il faut tout de même le dire, alerter et protester. Voilà donc un musicien considérable bouffé par l’électronique, ligoté par le câblage inflationniste, empêtré dans le Décibel. « C’est un parti pris », dit mon voisin, comme pour l’excuser. Quel parti ? Celui des endurcis de la feuille. Il se peut bien que quelques décennies de sono, de moins en moins tempérée, finissent par «ensabler les portugaises». C’est souvent le lot des rockeurs, sans parler des givrés de la Techno qui se foutent la tête dans les méga-enceintes plein pot – surdité garantie. Quant aux sonorisateurs, pris dans la nasse assourdissante, telles les surdoses des junkies, ils n’ont plus d’autre choix que de pousser encore les potards.

Et voilà le travail : des salles à vocation de club, massacrées comme des zéniths ou des festivals en plein air. Des musiciens pédalant dans la mélasse bruyante. Des mélomanes dé(ca)pités. Pour ma part, j’ai préféré capituler avant la fâcherie. Mon voisin a persévéré, semble-t-il. Un jeune batteur de jazz. La semaine prochaine il sera sur scène, au Vauban, avec un trompettiste. En acoustique. Oui ! Je ne me souvenais pas avoir entendu un tel duo aussi gonflé. Il me rafraîchit les neurones : Don Cherry et Ed Blackwel dans « Mu ». Bon sang, c’est vrai ! J’ai le disque : finesse, ivresse… On cause un peu pendant le répit de l’entracte. Car son confrère de cogneur n’aurait pas permis le moindre coma silencieux. Et que je te boxe les tambours, uppercut et crochets jusqu’au KO dans les cordes. Il en abat tant et tant qu’à la fin, son public étant sonné, il recueille sa volée d’applaudissements. Les batteurs à la gomme c’est le pendant des bateleurs en politique ; ils débitent du démago à la tonne et grimpent aux rideaux des sondages. On le paie à la sueur, aux coups de gueule, à la raclée verbeuse et tapageuse. La prime aux bœufs. Bon, l’ai-je assez descendu ? Ah oui, il s’appelle Stockley Williams (pas Tony, autre batteur d'une dimension autrel) – si jamais vous le croisiez sur un programme…

Le plus attristant, c’est pour Tony Hymas, pianiste fameux et compositeur de même. Le voilà besognant ses électroniques claviers qu’il semble être le seul à entendre. Gâchis ! Sauf dans quelques rares moments de grâce, des balades distillées comme du Prozac après délirium. Et comme pour excuser l’offense précédente.

Dans cet « Ursus minor », c’est le nom du quartet, il y a aussi François Corneloup, sax baryton et soprano. Pareil : emporté par le maelström– qu’il ne se prive pas d’alimenter.

Reste Jef Lee Johnson et sa guitare. Le seul à jouer, il me semble. Un beau jeu très dedans-dehors, invoquant Hendrix à l’occasion. Rien à voir avec ce « projet » que le même prospectus range parmi ceux qui  «ne font aucune différence entre la culture hip-hop et le jazz». C’est bien le problème.

Reste aussi un mystère. Dans le public, ce type dans les 70 balais qui se tortille sur sa chaise en se fendant la poire. Ayant débranché son sonotone, il croit avoir retrouvé les tympans de ses vingt ans. Enfin, c'est pour tenter d'expliquer sa béatitude.

> L'image. Tony Hymas à Brest, au Vauban. Emporté par la tourmente des décibels.
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21 septembre 2005 3 21 /09 /septembre /2005 22:00
 
Jazz. Chez Maxime, côté soleil

Heureux Parisiens ! Ce dimanche 25 à 21h, filez donc au Sunside – même et surtout s’il pleut : vous y entendrez le groupe de jazz vocal Scatsy : trois chanteuses – Florence Tu Hong, Emma Lee, Amélie Payen – accompagnées de Philippe Coromp, piano, Éric Le – Cardina, c.basse, Philippe Rousselet, batterie. Un projet plutôt curieux : prendre des chansons de Maxime Le Forestier, de "San Francisco" à "l'Éducation sentimentale", y glisser de riches couleurs harmoniques, conjuguer les voix en fugue et en swing, improviser en scat…

Je vous en parle pour les connaître un peu, en voisins-voisines du pays d’Aix-en-Provence. Heureux Parisiens qui n’aurez même pas à prendre le TGV, tout juste le métro.

Le Sunside
60, rue des Lombards Paris 1er
01 40 26 21 25

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